Institut de l'Afrique des Libertés

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LE SCANDALEUX DENI DE FRANCOIS HOLLANDE SUR L'AFRIQUE

Par le Dr Nyamsi Wa Kamerun Wa Afrika

 

Interviewé en grande pompe sur France 24 et RFI en ce mois de janvier 2023 par les journalistes Christophe Boisbouvier et Marc Perelman à propos de la crise sécuritaire que traverse le continent africain, notamment depuis la destruction barbare de la Libye[1] et l’assassinat de son dirigeant Mouammar Kadhafi[2] en 2011 par l’OTAN en association avec les nébuleuses terroristes d’Al Qaida et de l’Etat Islamique, l’ancien Président français François Hollande s’est adonné pendant les 17 minutes de son entretien à un scandaleux déni de l’Histoire. Pour François Hollande en effet, ce sont les agents de la Compagnie Russe Wagner[3] qui assument désormais le rôle de néocoloniaux[4] en Afrique. La France quant à elle, aurait tourné, il y a belle lurette la page de ses ingérences dans les affaires politiques et économiques du continent noir. Ne croyez-vous pas rêver ? Nous aimerions revenir en détails ici sur les péripéties de ce monument d’occultation, d’approximation, de condescendance et d’irresponsabilité envers les peuples français et africains.

I

Contextualisation large de l’Interview de l’ancien Président français François Hollande

D’abord le contexte. Une grande campagne de reprise en main de l’image médiatique et diplomatique[5] de la France a été annoncée et entreprise par le régime Macron, face aux nombreuses déconvenues de sa diplomatie en Afrique, au Moyen-Orient et plus récemment, dans le conflit russo-ukrainien. Ainsi, l’AFP et BFM TV, grands médias français, rapportaient le 1er septembre 2022, ce qui suit :

« Le président de la République, Emmanuel Macron, a demandé ce jeudi aux diplomates de riposter face aux attaques virales que subit la France sur les réseaux sociaux, notamment en Afrique.

Emmanuel Macron a exhorté jeudi les diplomates français à être "plus réactifs" sur les réseaux sociaux pour mieux riposter aux attaques que subit la France en direction des opinions publiques, notamment en Afrique. "Notre pays est souvent attaqué et il est attaqué dans les opinions publiques, par les réseaux sociaux et des manipulations", a observé le chef de l'Etat, dans un discours devant les ambassadeurs français réunis à l'Elysée.

C'est le cas en particulier en Afrique où "le narratif, russe, chinois ou turc" vient expliquer aux opinions publiques "que la France est un pays qui fait de la néo-colonisation et qui installe son armée sur leur sol". La riposte passe d'abord par une "vraie politique partenariale" avec les pays visés, mais "je pense que, collectivement, nous devons être beaucoup plus réactifs, beaucoup plus mobilisés sur les réseaux sociaux", a insisté le président de la République. »[6]

Dans ce cadre opérationnel de cette ambitieuse opération de ripolinage de la diplomatie publique de la France, l’ancien Président français François Hollande –issu de la gauche-  joue pratiquement aujourd’hui pour l’Afrique – de façon certes officieuse- le rôle de Haut représentant de la République française que le Président Macron a attribué officiellement à l’ancien Président français Nicolas Sarkozy  –issu de la droite - pour le Moyen-Orient. Suite à la nomination de Nicolas Sarkozy en avril 2019 comme Haut Représentant de la France en Orient par le Président Macron, voici ce que rapporte utilement un blog bien documenté du site français d’informations Mediapart :

« Après avoir rejoint le conseil d'administration de la chaîne d'hôtels Accor en 2017 et celui du groupe Barrière – numéro un des casinos français, Nicolas Sarkozy siège au comité stratégique du groupe dirigé par Dominique Desseigne – en avril dernier, l’ancien président de la République a décidé d’accepter la proposition de son successeur, Emmanuel Macron, il devient Ambassadeur Itinérant Extraordinaire et Plénipotentiaire de la France.

En qualité d’agent diplomatique et eu égard à son prestige d’ancien président de la République, Nicolas Sarkozy disposera des pleins pouvoirs pour l’accomplissement de sa mission, c’est le sens même d’un diplomate plénipotentiaire.

C’est le summum de la gloire pour un ambassadeur, une sorte de reconnaissance, une nomination exceptionnelle en France, mais assez courante en Biélorussie, au Kazakhstan, au Turkménistan, en Ouzbékistan, en Azerbaïdjan, au Tadjikistan, en Suisse, au Luxembourg et aux Isles Caïman, sans oublier les USA, bien sûr.

Nicolas Sarkozy devra veiller à recentrer la diplomatie française sur un périmètre géopolitique extrêmement sensible, le golfe Persique : les Émirats arabes unis, le Bahreïn, l’Arabie Saoudite, Oman, le Koweït, le Qatar, l’Irak et l’Iran.

Avec plus de 60 % du pétrole mondial, le golfe Persique est la plus grande réserve d'hydrocarbures de la planète et le plus important exportateur avec plus de 30 % du commerce du pétrole. »[7]

Nicolas Sarkozy, comme François Hollande, ont donc été rappelés à la rescousse de la diplomatie Macron dans le monde, dans le cadre de la convergence des intérêts des oligarques politiques français de droite, de gauche et du centre. L’un comme l’autre sont chargés de laver plus blanc que blanc la politique étrangère de la France, coupable de laxisme et de compromissions nombreuses et diverses avec les monarchies obscurantistes du Moyen-Orient et les dictatures non moins enténébrées de la Françafrique, instaurée par la pseudo-décolonisation de l’Afrique francophone dans les années 60 sous le magistère du Général De Gaulle et de son Monsieur Afrique Jacques Foccart. Il faut donc bien garder à l’esprit que c’est pour redresser la barre que le soldat Hollande a été réquisitionné par son successeur à l’Elysée, dans l’intérêt bien compris de l’oligarchie politique, financière, médiatique et industrielle qui dirige l’Occident et la France. Et François Hollande n’en est pas au premier secours à son successeur Emmanuel Macron, dont il a couvé la campagne présidentielle en 2017[8], au grand dam du parti socialiste français. Entre les deux hommes d’Etat, un étrange passage de témoin à l’abri du parti socialiste aura eu lieu en 2017, sur lequel il serait fastidieux de revenir ici, tant il témoigne des pouvoirs des oligarchies financières et industrielles sur la sélection des élites.

Plus particulièrement, les services de communication politique du pouvoir hexagonal ont élaboré la notion de « sentiment anti-français » pour caractériser les résistances, révoltes, révolutions et luttes diverses pourtant entreprises depuis des siècles contre la domination occidentale en général et française en particulier en Afrique. La notion de sentiment, renvoyant au verbe sentir, et donc aux sensations, à l’affectivité et à la sensibilité des Africains, son usage par la com élyséenne n’est pas innocent. Elle renvoie à l’archétype raciste de l’Africain inapte à la rationalité, purement émotif, réactif et livré à l’immédiateté de ses affects. Arthur de Gobineau et son mythe de la sentimentalité brute du nègre, Jules Ferry et sa Mission Civilisatrice, Jacques Chirac et ces fameux « bruit et odeur » qui caractériseraient les Africains, ont laissé, comme Jean-Marie Le Pen, d’impérissables souvenirs en ce thème. En effet, réduire au sentiment la résistance multiséculaire des peuples Africains contre l’occupation militaire continue de la France en Afrique, contre l’exploitation économique symbolisée par la monnaie coloniale nommée Franc CFA, contre le soutien récurrent de l’ensemble des gouvernants français de la 5ème République aux pires dictatures africaines, contre le contrôle des idées dans l’Afrique d’expression française à travers les organisations de la Francophonie, c’est nier la rationalité, l’intelligence et la mémoire critique des Africains. En réalité, il n’existe pas de « sentiment anti-français » en Afrique, car on ne peut pas légitimement, raisonnablement détester tout ce qui est français sans se détester soi-même. Car dans l’être-français, il y a nécessairement l’être-humain que nous sommes tous, sur cette terre des Hommes. Le célèbre mot de Térence vaut incontestablement pour tout être humain réfléchi : « Rien de ce qui est humain ne m’est étranger »[9].

Par contre, on peut et on doit légitimement résister au racisme négrier, au colonialisme et au néocolonialisme français, toutes réalités abominables qui relèvent de la politique africaine de la France depuis six siècles. L’Afrique contemporaine consciente et éveillée par le travail critique de ses penseurs[10] n’est pas dans le sentiment anti-français (rejet absurde de tout ce qui est Français), elle est plutôt entrée en résistance contre la persistance du néocolonialisme français, dans la veine des travaux d’un Mongo Beti[11], d’un Franz Fanon[12], d’un Albert Memmi[13] ou d’un Cheikh Anta Diop[14]. Voilà ce qu’il faut sérieusement penser et comprendre, au lieu de nourrir, d’une part l’extrémisme condescendant d’un néocolonialisme français sourd à la critique, ou d’autre part, un extrémisme de résistance d’un anti-néocolonialisme africain qui serait aveugle à la différence de taille qui existe entre le peuple Français en général et la politique étrangère de la France en Afrique.

Face donc à cette résistance plus que jamais lucide des Africains au fait néocolonial français matérialisé par la persistance intrusive de la présence militaire française, de la domination monétaire et économique française, du soutien français aux dictatures[15] africaines (Congo, Tchad[16], Cameroun[17], Gabon, Côte d’Ivoire, Togo[18], Niger, Sénégal, Bénin…), que nous propose François Hollande dans son interview de ce mois de janvier 2023 ? Nous analyserons dans les lignes suivantes du présent article, les thèses les plus offensives, mais également les plus infondées de l’ancien Président français à propos de la crise sécuritaire que connaît l’Afrique depuis la destruction de la Libye par l’OTAN en 2011.

 

[9] « Je suis homme, et rien de ce qui touche un homme ne m’est étranger » ; « Homo sum, et humani nihil a me alienum puto »  (TÉRENCE, l’Homme qui se punit lui-même, acte I, scène 1)

[10] Je me permets de recommander en ce sens deux de mes récentes ouvrages, « Pour un anticolonialisme critique et contre l’anticolonialisme dogmatique » (Abidjan, Editions Balafons 2012), et « Réflexions pour une politique africaine de civilisation » (2017, Editions du Net, France)

[11] Mongo Beti, La France contre l’Afrique, Editions La Découverte, Paris, 2006 https://www.editionsladecouverte.fr/la_france_contre_l_afrique-9782707149787

[12] Franz Fanon, Pour La Révolution Africaine, 1952-1961, publié plus tard aux Editions La Découverte

[13] Albert Memmi, L’Homme dominé, Paris, Gallimard, 1968

[14] Cheikh Anta Diop, Civilisation ou Barbarie, Présence Africaine, Paris, 1981

[17] Au pouvoir depuis plus de 40 ans, au prix de mascarades électorales répétées et de violences contre le peuple Camerounais, Paul Biya n’en a pas moins été félicité par le Président français Emmanuel Macron après sa mascarade électorale de 2018 : https://observers.france24.com/fr/20181031-lettre-macron-biya-pas-fausse-vraie-facebook-devait-rester-privee

[18] A la tête du Togo à la suite de coups d’Etat civils répétés et d’usages récurrents de la violence d’Etat, Faure Gnassingbé n’en a pas moins été félicité par Emmanuel Macron pour sa dernière mascarade en 2020. https://focusinfos.net/la-lettre-de-felicitations-demmanuel-macron-a-faure-gnassingbe-est-bien-authentique/

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